Une nouvelle marche à la guerre
Phantasme paranoïaque, pessimisme excessif ou
réalisme, toujours est-il que, depuis le 1er janvier 2017, la
Pologne a intégré la toute nouvelle Armée de défense territoriale (WTO en
polonais), composée de volontaires civils, dans le dispositif de défense du
pays, aux côtés de l’armée de terre, de l’air, de la marine et des forces
spéciales. Ce sont donc 35 000 à 50.000 hommes qui, à brève échéance, devraient
être positionnées à l’est du pays, près de la frontière avec la Biélorussie,
l’Ukraine et l’enclave russe de Kaliningrad.
Ces mesures sont une réponse aux « intentions
agressives de la Russie », a précisé le ministre de la Défense, Antoni
Macierewicz. Une menace qui est montée de plusieurs crans après l’annexion de
la Crimée, en 2014.
En légalisant cette milice, le parti
conservateur Droit et justice (PiS), au pouvoir depuis fin 2015, ne fait que
suivre l’exemple de ses voisins, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, qui ont
fait de leurs organisations de volontaires un pilier de la défense nationale.
Aujourd’hui, ces petits Etats baltes, pourtant
membres tout comme la Pologne de l’Alliance atlantique (OTAN) se sentent encore
plus vulnérables, persuadés qu’ils peuvent être sacrifiés à tout moment sur
l’autel de la bonne entente entre le nouveau président américain, Donald Trump,
et Vladimir Poutine.
« Nous comptons toujours sur nos alliés. Mais
nous devons aussi être capables de nous défendre et, pour cela, il faut
utiliser toutes les ressources disponibles », explique l’ancien ministre de la
Défense de l’Estonie, Hannes Hanso. L’Estonie (1,3 million d’habitants)
peut ainsi compter sur quelque 30 000 volontaires regroupés au sein de la Ligue
de défense (Kaitseliit). « On nous appelle des soldats du week-end », sourit le
général de brigade Meelis Kiili, à la tête de la Kaitseliit. « Mais c’est aussi
notre force : les hommes et les femmes
qui nous rejoignent le font uniquement par conviction. Ce sont, de surcroît,
des gens mûrs qui arrivent avec leur expérience, leurs compétences et leur
réseau. Leur contribution à la défense du pays est inestimable », poursuit-il.
La Garde nationale lettone (Zemessardze) et la
Kaitseliit estonienne organisent régulièrement des manœuvres militaires
conjointes. En décembre dernier, les Lettons ont endossé le rôle des agresseurs
dans un scénario ressemblant à s’y méprendre aux événements ukrainiens.
« Nos exercices ont gagné en intensité et,
surtout, en réalisme », reconnaît le jeune commandant letton Karlis Dambitis (historien
dans la vie civile et employé par le Musée de l’Occupation de Riga).
En Lituanie, le gouvernement a publié un livret
à l’intention de la population contenant des consignes pratiques en cas
d’invasion du pays. L’armée lituanienne (plus de 20 000 hommes) peut s’appuyer
sur les volontaires des Tireurs de la Forêt (Sauliu Sajunga), une organisation
patriotique connue pour avoir résisté au pouvoir soviétique jusque dans les
années 1950.
Dans «War with Russia: An Urgent Warning from
Senior Military Command», publié en octobre dernier (Londres, Coronet, 2016),
le général britannique Richard Shirreff (ex-commandant la Force de réaction
rapide de l’OTAN avant de devenir le numéro deux de l’Alliance en Europe) décrit
avec précision à quoi pourrait ressembler une intervention russe: la moitié de
l’Ukraine et les trois pays baltes envahis en moins de trois jours, les
missiles de Kaliningrad pointés sur les capitales d’une Europe paralysée et les
troupes occidentales tétanisées devant l’option nucléaire…
Thriller guerrier le bien finit par triompher
grâce à l’audace combinée d’un soldat de sa Majesté et… d’un groupe de
volontaires lettons.
Ça fait froid dans le dos !