Donald TRUMP est-il con ?
Par Laurent SAILLY
Il est
malheureux d’être obligé de se poser la question lorsqu’il s’agit du chef d’état
et d’autant plus lorsqu’il s’agit du président de la première puissance
mondiale.
Mais les « dernières
sorties twitter » de Donald TRUMP suite à l’attentat de Londres passent mal.
Après avoir fait part de la solidarité des Américains et promis le soutien des
Etats-Unis très vite après les premières informations sur la situation qui
prévalait à Londres, Trump a commenté dimanche les déclarations du maire de
Londres, Sadiq Khan, et a changé de ton. Le maire travailliste de Londres appelant
ses compatriotes à ne pas s'alarmer de voir une présence policière accrue dans
les rues de la capitale britannique, le président Trump s’indigne sur son
compte twitter : "Au moins sept morts et 48 blessés dans une attaque
terroriste et le maire de Londres dit qu'il n'y a 'pas de raison de s'alarmer' !".
Personne dans l’entourage
ne semble en mesure de contrôler les réactions du président américain.
Le milliardaire
américain n’est pourtant pas un novice dans les déclarations sexistes, racistes
ou homophobes. Mais en tant que président des Etats-Unis, la moindre de ses
déclarations est susceptible de déclencher une crise démocratique grave.
“Quand le Mexique nous envoie ses gens, il n'envoie pas les meilleurs éléments. Ils envoient ceux qui posent problème. Ils apportent avec eux la drogue. Ils apportent le crime. Ce sont des violeurs” [Trump Tower, New York, le 16 juin 2015]. La porte-parole de du National Council of La Raza, la plus grande association de défense des droits des hispaniques outre Atlantique, a depuis décrit Donald Trump comme un “homme extrêmement stupide”.
En 2011, Donald Trump s’était indigné de l’investiture de Barak Obama : “On entend des journalistes politiques qui disent que [les résultats de l’investiture] n’avaient rien à voir avec la race. Mais comment [Hillary Clinton] a-t-elle eu si peu de ces voix-là ? Vous savez quoi, c’est très triste.” Avant d’enchaîner: “J’ai un très bon rapport avec les Noirs. J’ai toujours eu un très bon rapport avec les Noirs. Mais malheureusement, les chiffres que vous citez sont très effrayants.”
Interrogé sur la possibilité que sa fille Ivanka fasse la Une de Playboy, Donald Trump a répondu qu’il ne “pensait pas qu’elle le ferait, même si elle a un joli visage“, avant d’enchaîner: “si Ivanka n’était pas ma fille, je sortirai peut-être avec elle“. D’après le site Bustle, son porte-parole a ensuite explique que cette phrase était une “blague pour se moquer de lui-même, à cause de sa tendance à sortir avec des filles plus jeunes.”
En plus d’avoir annoncé qu’il disposait de 7 milliards de dollars pour faire campagne, Trump a insisté sur le fait qu’il fallait que les Etats-Unis se montrent plus fermes avec la Chine, qu’il a ensuite encensée (“leurs leaders sont bien plus intelligents que les nôtres”).
“Le monde se porterait mieux si les anciens dictateurs irakien Saddam Hussein et libyen Muammar al-Kadhafi étaient toujours au pouvoir” [CNN, 25 octobre 2016].
Donald Trump aime ponctuer ses citations d’insultes en tout genre. De Jon Stewart à Cher en passant par Sacha Baron Cohen, de nombreuses célébrités, hommes et femmes politiques en ont pris pour leur grade. Le site américain USA Today en a tiré un très beau graphique qui montre combien l’homme politique Républicain affectionne les “petite nature”, “idiot” et autre “loser”.
Depuis son
élection, de nombreux journalistes s’interrogent sur une possible sénilité
précoce du président américain qui présenterait entre autres des symptômes de
la maladie d’Alzheimer.
Le revirement
géopolitique concernant la Syrie de Donald Trump, même s’il faut s’en réjouir, marque
tout de même une évolution intellectuelle difficile à cerner. Et s’il a réagi
par émotion, cela humanise l’homme, mais fragilise le détenteur de la première
puissance nucléaire mondiale sur sa capacité de réflexion.
Le 31 mai dernier,
dans un tweet incompréhensible, manifestement inachevé, a provoqué un émoi international,
le président américain ayant écrit « Despite the constantr negative presse
covfefe ». Personne n’est capable d’expliquer la signification de « covfefe ».
Le tweet a été retiré du compte. La Maison Blanche n’a donné aucune
explication.
En
tout cas, Donald Trump ne doit pas s’étonner des appels à sa destitution, lui
qui avait semblé prôner celle de Barack Obama il y a moins de trois ans. « Peut-on destituer un président
pour incompétence grave ? » s’interrogeait en effet
M. Trump dans un tweet du 4 juin 2014.
La procédure d’empeachment
Aux
Etats-Unis, la procédure de destitution du président porte un nom : impeachment.
La Chambre des représentants accuse et le Sénat juge l'accusé : tel est le
fonctionnement de l'impeachment, équivalent d'une accusation devant un tribunal
pour trahison, corruption, crime ou forfaiture. La procédure peut déboucher sur
un acquittement, ou une condamnation qui se traduit alors par le limogeage du
chef de l'Etat.
Deux présidents américains ont jusqu'alors fait l'objet d'une procédure d'impeachment : Bill Clinton et Andrew Johnson (1808-1875). Le président Richard Nixon, techniquement parlant, n'a pas été l'objet d'une procédure de destitution dans l'affaire des écoutes du Watergate. Il a en effet démissionné (en 1974) juste avant que ne commence la procédure d'impeachment, qui avait été approuvée par le comité judiciaire de la Chambre des représentants, et alors même que sa condamnation ne faisait plus de doutes.
Le président Clinton, en revanche, a effectivement été la cible d'une procédure d'impeachment le 19 décembre 1998 pour parjure et abus de pouvoir après qu'il eut démenti sous serment avoir eu des relations sexuelles avec une employée de la Maison Blanche, Monica Lewinsky. Clinton a cependant été acquitté en 1999 à l'issue d'un procès en destitution devant le Sénat. Il eût fallu que les deux tiers des sénateurs votent pour sa destitution, ce qui n'a pas été le cas.
Hormis
le président, l'impeachment peut viser nombre d'officiels de l'exécutif et du
judiciaire au niveau de l'Etat comme au niveau fédéral. Depuis 1789, un total
de 17 officiels ont été « empêchés », dont 13 juges fédéraux (7 ont été
limogés, 4 ont démissionné, 2 ont été acquittés) et un sénateur.
Et en France
La possibilité de destituer un président de la République est
inscrite dans la Constitution (article 68) depuis la révision
constitutionnelle du 23 février 2007, à la fin du second mandat de Jacques Chirac. Elle n'est possible « qu'en
cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de
son mandat », une formulation volontairement floue qui laisse de la
place à l'interprétation.
Selon Didier Maus, professeur de
droit, interrogé par Libération et qui a participé à
une commission sur le sujet sous la présidence de Jacques Chirac, il peut s'agir d'un blocage du « fonctionnement régulier
des pouvoirs publics » (refus de signer
des lois votées par le Parlement, blocage de la Constitution, etc.) ou bien
d'un « comportement personnel incompatible avec la dignité de la
fonction » (crime, propos publics inacceptables, etc.).
La possibilité de destitution a été
introduite comme une contrepartie à l'immunité dont dispose le chef de l'Etat,
consacrée dans l'article 67 de la Constitution par la même réforme
constitutionnelle de février 2007. Ce dernier prévoit en effet que « le
président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette
qualité » et qu'il ne peut pas être traduit en justice (y compris faire
l'objet d'une enquête ou être cité comme
témoin) pendant son mandat.
Un mécanisme
en 5 étapes
1. Constatant un « manquement
à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat »
du président de la République, des parlementaires (députés ou sénateurs)
peuvent proposer à leur assemblée une
proposition de résolution pour réunir la
Haute Cour de justice. Cette proposition doit être signée par au moins un
dixième des membres de l'assemblée (58 députés ou 35 sénateurs).
2. Elle est ensuite examinée, pour
conformité, par le Bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Puis, s'il est
jugé conforme, le texte est transmis à la commission des lois, qui décide de l'adopter ou le rejeter.
3. Si la proposition de résolution
est jugée conforme puis, dans les quinze jours suivants, adoptée par la
majorité de l'assemblée, elle est transmise à l'autre chambre, qui doit à son
tour se prononcer dans les quinze jours.
4. Si la résolution est adoptée par les deux assemblées,
le bureau de la Haute Cour se réunit aussitôt. Les 22 membres de ce dernier
doivent être désignés conjointement par les bureaux de l'Assemblée nationale et
du Sénat en « s'efforçant de reproduire
la configuration politique de chaque
assemblée ».
En parallèle, une commission
composée de six vice-présidents de l'Assemblée nationale et de six
vice-présidents du Sénat est « chargée de recueillir
toute information nécessaire à l'accomplissement de sa mission par la Haute
Cour ». Elle dispose des pouvoirs d'une commission d'enquête
parlementaire et peut entendre le
président de la République ou son représentant. Elle doit émettre un rapport
dans les quinze jours suivant l'adoption de la résolution.
5. Vient ensuite le moment de la comparution du président
de la République devant la Haute Cour, qui ne peut durer
que quarante-huit heures maximum, au bout desquelles le vote doit intervenir. Les débats
sont publics mais seuls les membres de la Haute Cour, le président de la
République et le premier ministre peuvent y prendre
part.
La Haute Cour doit ensuite statuer dans un délai d'un mois, sans quoi elle
se voit dessaisie. Si le président de la République est effectivement jugé
coupable de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec
l'exercice de son mandat », il est destitué de ses fonctions et
redevient un citoyen et un justiciable « normal ». La Haute Cour n'a
pas de compétence pénale et ne peut pas le condamner
à une peine mais la destitution permet, le cas échéant, de poursuivre l'ex-président devant la justice.
Au sommet du pouvoir, la destitution entraîne la vacance de la
présidence de la République et une élection anticipée a lieu dans un délai
maximum de trente-cinq jours.