« Pourquoi je ne voterai pas François FILLON »
Plaidoyer contre les primaires
Les primaires de la droite et de la gauche ont eu pour effet
de réduire un peu plus le temps politique en augmentant de plus de six mois la
durée de la campagne électorale pour l’élection présidentielle. Et six mois
c’est très long sur un mandat qui ne dure que cinq ans.
De plus, l’argument démocratique selon lequel c’est au
peuple de choisir leur(s) candidat(s) est un faux argument. Car jusque-là, au
moins dans le principal mouvement de droite, le candidat était le président du
mouvement. Or ce président était bien élu démocratiquement par les militants de
ce mouvement. Les primaires n’ont fait que transférer le principal défaut d’une
élection démocratique française : au lieu de voter « pour »
quelqu’un, on vote « contre ». Ainsi, les militants de L.R., dont le
candidat avait été désigné démocratiquement lors de l’élection de son président
(en l’occurrence Nicolas Sarkozy), se sont-ils vus confisquer leur vote par une
minorité de L.R. soutenu par une majorité (du centre et de gauche) qui ont voté
contre Nicolas Sarkozy.
La loyauté politique
n’est pas un défaut démocratique
Dès lors, difficile de demander aux militants sarkozystes, de
soutenir un candidat dès lors même que ces mêmes militants n’étaient pas
favorables au nouveau système de désignation défini par les primaires. Ce que
n’avaient pas mesuré l’état-major de L.R. c’est l’extraordinaire loyauté des
sarkozystes à leur chef emblématique. Or la loyauté politique n’est pas un défaut
démocratique. Car on peut demander aux électeurs de respecter le choix du plus
grand nombre (il s’agit même d’un devoir démocratique pour le coup) mais pas de
leur demander de renier leurs votes. En effet, au lendemain des élections
présidentielles, il existera bien une opposition qui, reconnaissant la victoire
de leur adversaire, ne rejoindra pas pour autant les positions du nouveau chef
de l’Etat. Les sarkozystes sont dans cette position, ils sont l’opposition de
L.R. !
« C’est la faute
de Sarkozy »
Nul doute, qu’en cas de défaite de François FILLON, la
responsabilité sera portée sur Nicolas Sarkozy et les siens pour ne pas avoir
su mobiliser ses troupes. D’abord, nous avons l’habitude. Cela fait cinq ans
que la majorité gouvernementale justifie tous ses échecs par la politique
« désastreuse » du précédent président de la République. Ensuite, les
sarkozystes n’appartiennent pas à Nicolas Sarkozy. Aussi il ne s’agit pas de
lui reprocher un quelconque défaut de mobilisation. L’erreur est venue des fillonistes
qui n’ont sonné les trompettes du rassemblement qu’après le dévissage de leur
champion. Enfin, toute la campagne des primaires s’est jouée sur les
« affaires » de Nicolas Sarkozy, il ne faut pas s’étonner que
François Fillon soit pris dans la même spirale médiatique. Quand on veut
grimper aux arbres, il faut avoir les fesses propres.
L’image du chef de
l’Etat…
L’élection du chef de l’Etat dans un régime
semi-présidentiel comme la Vème République est celle d’un programme mais avant
tout celle d’un homme. François FILLON, comme tous les autres candidats,
mettent en avant leur personne, bien au-delà de leur programme, comme le
« meilleur d’entre les Français » pour représenter la Nation.
L’élection depuis 1965 du président de la République au suffrage universel
direct en fait l’image de la France à l’international et la figure de prou de
l’Etat. Les primaires n’ont fait que renforcer cette position en faisant du
locataire de l’Elysée (au moins jusqu’à aujourd’hui et pour les deux
principales forces politiques du pays) le vainqueur de deux élections
populaires consécutives (et de quatre scrutins uninominaux). Cette vision
gaullienne de la présidence de la République est partagée par la quasi-totalité
de la classe politique. L’exemple le plus cinglant est représenté par Emmanuel
Macron, en tête des sondages depuis des mois, et pourtant sans programme
politique défini. Dès lors, demander aux sarkozystes de privilégier le
programme à l’homme est d’une part un contresens constitutionnel et, d’autre
part, une malhonnêteté intellectuelle. Les élections législatives constituent
le moment institutionnel privilégié pour déterminer l’orientation politique du
futur gouvernement. Aussi, en juin prochain, je n’aurai aucune difficulté à
donner ma voix au candidat L.R de ma circonscription.
La présomption
d’innocence
Tant qu’un individu n’est pas condamné définitivement, il
est présumé innocent. Qui peut être contre ce principe fondamental de notre
droit pénal. La mise en examen n’est nullement une reconnaissance de culpabilité.
Je ne connais aucun démocrate qui affirmerait le contraire. Mais qui a mis sur
le terrain politique l’absolue nécessité de ne pas être mis en examen pour
pouvoir prétendre à la magistrature suprême si ce n’est François FILLON ?
Qui a déclaré que s’il était mis en examen il renoncerait à se présenter ?
Certainement pas les sarkozystes, mais bien François FILLON !
La démocratie c’est
aussi la liberté de la presse et l’indépendance de la Justice
Bien sûr la majorité des journalistes de notre pays sont de
gauche. Bien sûr la Justice est fortement politisée. Pourquoi alors aucune des
majorités qui se sont succédés à la tête de notre pays n’a proposé une réforme
d’envergure ? Pourquoi ne pas avoir amendé la loi de 1881 sur la liberté
de la presse en prévoyant l’interdiction de constitution de grands groupes, où
en obligeant la parité des positions politiques dans les médias ? Pourquoi
ne pas avoir fait de la justice un pouvoir indépendant plutôt qu’une
autorité ? Seul, Nicolas Sarkozy, en 2008, a su imposer (en partie) une
réforme constitutionnelle (dont beaucoup à droite ne voulaient pas) dans
laquelle il cède la présidence du Conseil supérieur de la Magistrat au
président de la Cour de cassation. Faute de majorité plus solide, la réforme
(bien qu’elle soit la plus importante de la Vème République), prévoyait d’aller
plus loin.
Immorale mais pas
illégal
Lorsque les « affaires Fillon » commencent à
sortir, après une période de négation, le candidat du « Centre et de la
Droite », reconnaît des maladresses, des erreurs de jugements, mais rien
d’illégal tout juste immoral. Drôle de défense pour un candidat qui met en
avant sa confession catholique comme argument de sa probité. On pourrait en
faire un sujet mixte de philosophie et de droit du type « est-ce à la
loi de définir la moralité ? » ou « une société peut-elle être
morale sans la loi ? ». Position dangereuse que celle prise par
François FILLON. Une société qui ne définirait sa morale que par la loi est
vouée à l’échec soit parce qu’elle légifère tout (système dictatorial et
anti-libéral), soit parce qu’elle serait toujours en retard sur l’évolution des
mœurs notamment (sorte d’anarchisme inversé, au slogan « il est interdit
d’interdire » répondrait « il est obligatoire de rendre
obligatoire », c’est-à-dire une société sans autorité, sans
principe si ce n’est celui-ci : « je le fais parce qu’il n’est
pas dit que je n’ai pas le droit de la faire »). Ce serait un recul du
progrès humaniste. Pour illustrer mon propos interrogez-vous sur le sujet
suivant : « Je ne tue pas mon prochain : parce que j’ai peur
d’aller en prison ou parce que je sais que ce n’est pas bien ». Vous avez
quatre heures…
Des excuses ne sont
pas des explications
François FILLON est devenu maître « es excuses ».
Si dans un premier temps, celles-ci avaient fait leur petit effet (faute avouée
à moitié pardonné), l’accumulation de celles-ci en a dilué l’efficacité.
Ensuite, François FILLON n’a manifestement pas compris ce qu’on lui reprochait.
Dans un précédent article intitulé « On imagine pas Yvonne De Gaulle mise
en examen », j’expliquais que ce qui me choquait ce n’était ni le fait que
Pénélope FILLON travaille pour son mari, ni les sommes perçues en adéquation
avec ses qualifications, mais bien le doute qui portait sur la réalité du
travail fourni. Ne parlons pas des stages de ses enfants. Enfin, l’explication
systématique donnée par le candidat L.R. selon laquelle il aurait commis
« des erreurs de jugement » n’a rien de rassurant pour quelqu’un qui
aura en charge la diplomatie de l’Etat. S’excusera-t-il d’une éventuelle
« erreur de jugement » commise devant Donald TRUMP ou Vladimir
POUTINE ?
Je ne voterai pas François FILLON à cause de ses
déclarations larmoyantes digne du héros de dessin animé Caliméro, ses
punchlines en meeting du type « je suis un rebelle », « je suis
le candidat anti-système » ou la comparaison avec Vercingétorix, son
anaphore mal venue lors du Grand Débat sur « le président
exemplaire ».
Je ne voterai pas François FILLON parce qu’en déclarant
devant Jean-Jacques BOURDIN BFMTV/RMC) qu’« il n’arrive pas à mettre
d’argent de côté » ou il est démago ou je ne vois pas comment il pourrait
gérer le budget de la France alors qu’il n’y arrive pas avec celui de sa
famille.
Je ne voterai pas François FILLON par loyauté politique pour
Nicolas SARKOZY.
Je ne voterai pas François FILLON parce que la moralité des
élus est la première des qualités nécessaire à la vie démocratique.
Je ne voterai pas François FILLON parce qu’il ne représente
pas l’image que je me fais d’un chef de l’Etat.