Google peut-il nous rendre immortel ?
Le
cofondateur de Google, Larry Page, a lancé il y a quatre ans la California Life
Company (Calico) dont le but est de rallonger la durée de vie humaine de 20 à
100 ans… Car, plus qu'à la guérison des maladies, c'est à la longévité et à
l'immortalité que le patron de Google s'intéresse depuis longtemps.
S'il n'a que
44 ans, Larry Page a déjà été confronté à la maladie. Depuis quelques
années, il souffre d'une paralysie partielle des cordes vocales. Son associé et
cofondateur de Google, Sergueï Brin, baigne lui aussi dans l'univers médical.
Son ex-épouse, Anne Wojcicki, a fondé 23andMe, une société qui démocratise
l'analyse du génome et il se sait prédisposé génétiquement à la maladie de
Parkinson.
Avant même
de créer Calico, Larry Page a recruté Ray Kurzweil, l'un des gourous américains
du transhumanisme. Celui-ci est même persuadé qu'il pourra atteindre la vie
éternelle et ramener son père, décédé il y a un quart de siècle, à la vie. Google
finance généreusement l'Université de la singularité, créée par cet utopiste, qui
se focalise sur l'application des avancées technologiques à l'homme et sur la
fin du vieillissement.
Le succès
financier de Google a permis d’investir sans souci plus d'un milliard de
dollars dans Calico. Arthur Levinson a pris la tête de Calico mais il est par
ailleurs président du conseil d'administration d'Apple, ex-patron de la biotech
Genentech et docteur en biochimie et en génétique. Calico a enregistré ses
premiers résultats. Un traitement en essai à l'université de Stanford a pu
rajeunir de vingt-cinq ans des échantillons de peau et des cellules humaines.
Larry Page est
persuadé que, bientôt, tout sera connecté, lié à une intelligence artificielle directement
branchée sur nos cerveaux. D'ici une quinzaine d'années, grâce aux
nanotechnologies et à l'intelligence artificielle, la médecine permettra d'ajouter
un an d'espérance de vie par an et de repousser ainsi la dernière frontière de
l'humanité, espèrent les adeptes de l'homme augmenté. A terme, débarrassé de
son corps physique, l'être humain finira par fusionner complètement avec la technologie.
Peter Thiel,
diplômé de droit et de philosophie de 49 ans, investit dans la lutte contre le
vieillissement via notamment la Fondation Methuselah. Il affirme que la démocratie
et la liberté ne sont « pas compatibles » et met la liberté individuelle
au-dessus de tout. Il a cofondé en 2008 le Seasteading Institute, une structure
qui cherche à créer des îles artificielles dans les eaux internationales pour
permettre à leurs habitants de vivre sans lois ni taxes. Cofondateur du site de
paiement en ligne PayPal et actionnaire précoce de Facebook, il a investi dans
des start-up à succès, à l'image de LinkedIn ou de Palantir, un spécialiste de
la surveillance qui a conclu de mirobolants contrats avec l'armée américaine.
Sa fortune s'élève à près de 2,7 milliards de dollars. En attendant, il a prévu
d'être cryogénisé et prend des hormones de croissance pour vivre jusqu'à 120
ans.
Maintenant les enfants naissent sur commande. On meurt quand on l'a décidé car on se doit de mourir « dans la dignité ». Bientôt, on ne mourra plus. Enfin, les plus riches. Car le reste de l’humanité, ne pouvant s’offrir l’immortalité, disparaîtra.
La question éthique sur la dignité de la personne paraît bien faible face à la puissance des lobbys et du marché, des laboratoires pharmaceutiques et des patrons des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazone, Microsoft) qui rêvent, dans le sillage de Frankenstein, de fabriquer un homme génétiquement modifié. Le rêve d'une personne qui crée la vie au lieu de la procréer est vieux comme le monde : les Titans (hommes aux pouvoirs divins), Prométhée (le voleur de feu), Icare, sans oublier Pinocchio.
Toute utopie, et le transhumanisme en est une, promeut un « homme nouveau ». Le transhumain est un Individu Génétiquement Modifié : continuellement jeune, performant, fonctionnel… immortel. Mais quelle vie souhaitons-nous rendre éternelle ?